Seth Klarman, Margin of safety – Les intérêts de Wall Street sont contraires à ceux des investisseurs

Dans ce chapitre, l’auteur nous met en garde contre le biais haussier de Wall Street. Il décrit également les phénomènes de mode qui s’emparent des marchés et conduisent à des valorisations excessives. Ses propos sont illustrés avec l’exemple des « nifty fifty* », ces sociétés « Blue-chip » qui ont connu leur heure de gloire dans les années 70 avant de sombrer dans l’oubli pour beaucoup d’entre elles dans les années 80. La bulle internet qui s’est formée à la fin des années 90 est un exemple similaire de ces périodes d’euphorie qui ont laissé place à la débâcle.

« Wall Street peut être un endroit dangereux pour les investisseurs. Vous n’avez d’autre choix que de vous y aventurer, mais vous devez toujours être sur vos gardes. Le comportement habituel des personnes travaillant à Wall Street est de maximiser leurs intérêts à court terme. Il faut en avoir conscience, l’accepter et faire avec. »

Une vision à court terme

Certains employés travaillent à Wall Street uniquement pour générer de gros revenus et espèrent pouvoir s’en aller au bout de quelques années. D’autres, peu convaincus de leurs capacités à réussir, vont privilégier l’obtention de bonus sur le court terme craignant que leur performance sur le long terme ne soit pas à la hauteur. Les bonus sont si élevés que seules quelques bonnes années à Wall Street peuvent permettre de se mettre définitivement à l’abris du besoin.

Le biais haussier de Wall Street

Le biais haussier de Wall Street se manifeste de nombreuses manières. Les recommandations d’analystes sont par exemple plus souvent des recommandations d’achat plutôt que de vente. Une explication est peut-être que toute personne détenant de l’épargne est un acheteur potentiel d’un produit financier, alors que seules celles qui en possèdent déjà sont de potentiels vendeurs. En d’autres mots, il y a plus de commissions à attendre d’une note positive d’un analyste que d’une note négative.

Les sociétés préfèrent également voir le cours de leur action augmenter. Une hausse du cours est vu comme un vote de confiance envers le management et une source de revenus complémentaires pour celui-ci grâce aux actions détenues ou aux stocks options.Enfin, ce sera également une source de flexibilité financière plus importante, les augmentations de capital étant ainsi facilitées.

Les régulateurs ont eux aussi un intérêt à ce que les marchés soient haussiers. Les marchés haussiers s’accompagnent d’une confiance des investisseurs, que les régulateurs cherchent à maintenir.

L’investissement dans des secteurs tendance

Lorsqu’une action devient à la mode à Wall Street, des milliards de dollars de profit peuvent être générés et l’euphorie concerne parfois des secteurs entiers.Dans les années 80, des secteurs aussi divers que l’énergie, les technologies, les biotech, les jeux d’argent, la distribution et même la défense ont eu leur heure de gloire. Une augmentation importante de l’émission de nouvelles actions peut être très profitable pour Wall Street car les débuts prometteurs d’un secteur attirent toujours une foule d’investisseurs. Les introductions en bourse se font plus nombreuses, des fonds fermés sont souvent créés, des sommes importantes se déplacent vers ce nouveau secteur devenu populaire, générant au passage des profits pour Wall Street qui resteront longtemps après que l’enthousiasme des investisseurs ait disparu.

L’engouement pour des sociétés qui étaient perçues comme des « franchises » dans les années 70 avant d’être délaissées dans les années 80 est un exemple de « mode » qui a frappé Wall Street. Un « nifty fifty »* avait vu le jour. Plusieurs dizaines de sociétés qui avaient la faveur des institutionnels s’échangeaient alors à des multiples bien plus élevés que le reste du marché. Les investisseurs trouvaient des arguments pour considérer n’importe quelle société comme une « franchise ». Des sociétés qui existaient à peine au début des années 80, comme Silk Greenhouse Inc. et TCBY (This country’s Best Yogurt) Enterprise Inc., étaient vues par les investisseur comme des « franchises » très solides. Depuis, ces sociétés ont perdu la faveur des investisseurs.

Bien entendu, certaines sociétés disposent de franchises, mais elles ne sont pas aussi permanentes et résilientes que ce que beaucoup d’investisseurs pensent.Des sociétés relativement solides comme Eastman Kodak et American Express, par exemple, ont vu l’arrivée de concurrents mettre à mal leur modèle de franchise au cours des dernières années.

La valeur d’une société qui vend un produit à la mode dépend de la rentabilité du produit, de son cycle de vie, des barrières à l’entrée sur le marché et de la capacité de la société à reproduire son succès actuel. Les investisseurs sont souvent trop optimistes quant à la durée d’une mode, au taux de pénétration du marché et au niveau des marges. Ainsi, le marché attribue souvent un multiple « Coca-Cola » à « une parcelle de chou ». Toutes les modes ont une fin. Les prix des actions finissent par atteindre des niveaux trop élevés, l’offre rattrape la demande et finit par la dépasser, le sommet est atteint et la chute s’ensuit. Il y aura toujours des cycles d’investissement dans des secteurs à la mode et des investisseurs qui y succomberont.

Conclusion

Wall Street peut être un endroit dangereux pour les investisseurs. Vous n’avez d’autre choix que de vous y aventurer, mais vous devez toujours être sur vos gardes. Le comportement habituel des personnes travaillant à Wall Street est de maximiser leurs intérêts à court terme. Il faut en avoir conscience, l’accepter et faire avec.

*Aux Etats-Unis, le terme “Nifty Fifty” était un terme informel désignant 50 grosses capitalisations populaires sur le New York Stock Exchange dans les années 60 et 70. Ces sociétés étaient considérées comme des sociétés de croissance « buy and hold » ou « Blue-chip ». Les observateurs considèrent que ces cinquante sociétés ont été le moteur du marché haussier du début des années 70, alors que leur déclin et leur sous-performance au début des années 80 est un exemple de ce qui peut arriver à la suite d’une période où beaucoup d’investisseurs, influencés par un excès d’optimisme du marché, ignorent les fondamentaux. Depuis, la plupart se sont redressées et affichent des résultats solides, bien que quelques-unes aient disparu ou ne valent plus rien. (https://en.wikipedia.org/wiki/Nifty_Fifty)

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