Seth Klarman, Margin of safety – Quelques cas particuliers d’investissement value

Dans la continuité du chapitre précédent où l’auteur nous présentait les trois grandes catégories d’investissement value et les pistes à privilégier pour trouver des titres décotés, il revient ici plus spécifiquement sur des cas particuliers, tels que les sociétés en liquidation, les situations d’arbitrage ou les scissions qui selon lui peuvent présenter un intérêt pour l’investisseur value. Il insiste également sur l’importance de la présence de catalyseurs qui permettront d’accroitre la marge de sécurité.

« Détenir des actifs avec un ou plusieurs catalyseurs est un moyen intéressant de réduire le risque au sein d’un portefeuille car cela augmente la marge de sécurité déjà créée par l’achat d’action à un prix inférieur à leur valeur intrinsèque. »

L’attrait pour certains investissements value est simple et facile à comprendre : des sociétés bénéficiaires, en croissance, proposées par le marché à un prix très inférieur à leur valeur intrinsèque qui aura été calculée de manière conservatrice. Néanmoins, bien souvent, plus l’analyse paraît simple et plus la décote est importante, plus l’opportunité va sembler évidente aux yeux du marché. Les titres des sociétés très profitables ne sont donc que très rarement proposés à un prix bradé. L’investisseur devra donc généralement travailler dur et faire des recherches approfondies pour trouver des sociétés décotées, en fouillant bien pour trouver la valeur cachée ou en appréhendant des situations plus complexes.

Lorsqu’un titre est acheté avec une marge de sécurité, l’actionnaire peut sortir gagnant si le cours monte de sorte à rejoindre la valeur intrinsèque ou si un événement particulier permettant la réalisation de la valeur survient. Un tel événement, que nous appellerons catalyseur, augmente de manière considérable la marge de sécurité.

Certains catalyseurs sont de nature endogène et découlent de la responsabilité des dirigeants de l’entreprise comme par exemple la décision de vendre des actifs. A l’inverse, il existe des facteurs exogènes qui sont souvent liés à une prise de contrôle par les actionnaires. Lorsqu’un actionnaire devient majoritaire, il est en mesure d’élire la majorité des dirigeants. Ainsi, l’accumulation d’actions conduisant à une prise de contrôle rampante de la société ou la crainte des dirigeants qu’une telle situation se présente, peut les inciter à prendre des mesures permettant au prix de l’action de mieux refléter la valeur intrinsèque.

Les investisseurs value sont toujours à la recherche de catalyseurs. Si l’écart entre le prix et la valeur intrinsèque peut rapidement être comblé, les chances de perdre de l’argent en raison de la fluctuation des cours ou de conditions économiques défavorables sont réduites. Détenir des actifs avec un ou plusieurs catalyseurs est un moyen important de réduire le risque au sein d’un portefeuille, car cela augmente la marge de sécurité déjà créée par l’achat d’action à un prix inférieur à leur valeur intrinsèque.

Les catalyseurs qui permettent un comblement total de l’écart entre la valeur intrinsèque et le prix sont bien entendu les plus souhaitables, mais les catalyseurs qui permettent une réalisation partielle de la valeur ont malgré tout deux intérêts principaux : (i) une création directe de valeur pour l’actionnaire comme cela peut être le cas lors de spinoff ou de programmes de rachat d’actions et (ii) les actions entreprises pour créer de la valeur peuvent laisser supposer que les dirigeants agissent dans le sens des actionnaires et pourraient mener une politique visant à créer davantage de valeur dans le futur.

Investir dans des sociétés en liquidation

La plupart des investisseurs préfèrent détenir des actions de sociétés dont la continuité d’exploitation est assurée et les sociétés en liquidation sont bien souvent l’antithèse du type d’investissement qu’ils souhaitent réaliser. Même les spécialistes de l’arbitrage, qui sont connus pour acheter à peu près n’importe quoi, évitent d’investir dans les sociétés en liquidation, jugeant le processus trop long ou trop incertain. De fait, les sociétés en liquidation étant évitées par la plupart des investisseurs, elles peuvent constituer des opportunités intéressantes pour l’investisseur value.

Investir dans les actifs complexes

À la différence des obligations qui génèrent des flux de trésorerie constants pour l’investisseur, un actif complexe va verser des flux de trésorerie en fonction d’événements incertains, comme le prix d’une matière première ou la valeur d’un actif spécifique. Souvent mises en lumière suite à des fusions ou à des réorganisations, leur complexité inhérente les place en dehors du champ d’investigation de la plupart des investisseurs. Certains actifs complexes peuvent être trop chers ou trop difficile à évaluer, néanmoins cet univers d’investissement peut être un terrain de jeu prolifique pour l’investisseur dans la valeur.

Investir dans les situations d’arbitrage

Le « risk arbitrage » est une niche très particulière de l’investissement value. L’arbitrage est un type de transaction sans risque qui permet de générer un profit grâce à une inefficience temporaire entre différents marchés. Le « risk arbitrage » présente quant à lui un niveau de risque élevé. Les scissions, liquidations et restructurations d’entreprises que l’on appelle parfois arbitrages à long terme, entrent dans cette catégorie.

Le « risk arbitrage » diffère de l’achat d’actifs classiques dans la mesure où le gain ou la perte dépendent beaucoup plus de l’aboutissement réussi d’une transaction commerciale que de l’évolution des fondamentaux de l’entreprise. Le principal facteur de gain de l’investisseur est la différence qui existe entre le prix payé par l’investisseur et la somme qu’il pourrait recevoir si la transaction allait à son terme. Le risque ici est que la transaction échoue et que le prix retombe à son niveau d’origine, généralement bien en dessous du prix annoncé dans le cadre de l’opération.

Les enjeux des fusions-acquisitions sont tels qu’ils attirent beaucoup d’investisseurs individuels et de spéculateurs, ainsi que des professionnels de l’arbitrage. Je pense que les petits investisseurs ne peuvent pas rivaliser avec ces professionnels, qui par la taille de leurs positions, peuvent faire appel aux meilleurs avocats, consultants et autres conseillers pour obtenir une information beaucoup plus complète et de manière beaucoup plus rapide que les autres investisseurs. Cet avantage est néanmoins réduit dans les situations de liquidation sur le long terme, les scissions ou les grosses OPA amicales. Dans les plus grosses OPA amicales, par exemple, les professionnels épuisent rapidement leur capacité d’achat, ce qui peut offrir une fenêtre de tir intéressante pour les autres investisseurs. 

Le caractère cyclique de l’investissement dans les situations d’arbitrage

Lorsqu’un univers d’investissement comme l’arbitrage ou les faillites d’entreprises devient populaire, des sommes importantes affluent vers cette catégorie d’investissement. La tendance acheteuse entretient la hausse ce qui augmente les gains à court terme et créé une prophétie autoréalisatrice. Le flot des nouveaux investisseurs se poursuit ce qui contribue à entretenir la hausse des prix. L’afflux de liquidités permet aux investisseurs initiaux de réaliser des gains importants, mais la hausse des prix conduit inévitablement à une baisse des gains futurs.

De fait, la bonne performance générée par les intervenants présents avant que cet univers d’investissement ne devienne populaire, se dégrade et une période de performance médiocre voire mauvaise s’ensuit. Alors que les mauvaises performances se poursuivent, ceux qui s’étaient précipités dans cet univers se retrouvent vite désabusés. Les clients finissent par retirer leurs fonds aussi rapidement qu’ils les avaient apportés quelques années auparavant. Les retraits forcent les gérants à réduire leur position pour récupérer des liquidités. Cette pression à la vente entraine une baisse des prix qui va amplifier la baisse de la performance. Ainsi, une majorité des sommes investies quitte cet univers devenu impopulaire ce qui permet aux quelques acteurs restants de tirer parti des opportunités ainsi créées. C’est ainsi qu’un nouveau cycle commence…

Investir dans les scissions d’entreprise

Beaucoup d’actionnaires d’une société mère qui reçoivent des actions dans le cadre d’une scission s’en séparent rapidement, souvent pour les mêmes raisons qui ont conduit la société mère à se séparer de sa filiale. D’autres raisons pourront également être avancées, comme (i) la méconnaissance de la nouvelle entité et la facilité de vendre plutôt que d’apprendre, (ii) les institutionnels vont céder leurs titres car ils jugeront la nouvelle entité trop petite pour être digne d’intérêt, et (iii) les gérants de fonds vont vendre quel que soit le prix si la nouvelle société ne fait pas parti de l’indice auquel ils sont contraints de se tenir. Pour toutes ces raisons, les scissions conduisent généralement dans un premier temps à des niveaux de prix très bas et peuvent constituer des investissements de premier choix pour l’investisseur value. De plus, lorsque les actions d’une société issue d’une scission sont délaissées par le marché, ce n’est généralement pas parce que le vendeur en sait plus que l’acheteur…

Conclusion

Nous avons évoqué ici quelques niches où l’investisseur value peut parfois trouver de bonnes idées d’investissement. Cette liste n’est en aucun cas exhaustive et n’a pas vocation à l’être mais elle montre comment certains actifs peuvent se retrouver sous évalués dans une grande variété de secteurs.

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