Seth Klarman, Margin of safety – Les fondements de l’investissement value

Dans ce chapitre, l’auteur présente ce qu’il considère être les 3 piliers de l’investissement value, à savoir, une approche « bottom-up » (littéralement du bas vers le haut) qui s’oppose à l’approche « top-down », la recherche d’une performance absolue qui implique de conserver une part de liquidités et la nécessité de toujours avoir à l’esprit le risque de perte. Il nous livre justement sa vision du risque et nous explique pourquoi le beta est un indicateur qui ne présente aucun intérêt à ses yeux.

« Des sommes considérables ont été perdues par des investisseurs qui ont conservé des actions alors que les raisons qui les avaient poussé à l’achat avaient disparu. Ce n’est jamais une erreur de changer d’avis, la seule erreur est de changer d’avis et de ne rien faire. »

L’investissement dans la valeur repose sur trois piliers. Premièrement, il s’agit d’une stratégie « bottom-up », ce qui implique une recherche spécifique d’entreprises sous-évaluées. Deuxièmement, l’investisseur dans la valeur s’attache à la performance absolue et non à la performance relative. Enfin, il s’agit d’une approche visant à éviter le risque. On accordera autant d’attention à ce qui pourrait mal tourner qu’à ce qui pourrait arriver de positif.

L’intérêt d’une approche « bottom-up »

Beaucoup d’investisseurs utilisent une approche « top-down » (du haut vers le bas). Cette approche, à la fois difficile et risquée, est sujette à des erreurs d’appréciation à chaque étape.

Par exemple, un investisseur « top-down » doit avoir raison sur le climat général (sommes-nous à l’aube d’une phase de paix et de stabilité encore jamais connue ?),  sur les conclusions qu’il va tirer de cette première appréciation (ex : est-ce que la réunification de l’Allemagne est positive ou négative pour les taux d’intérêt allemands et la valeur du Deutsche Mark ?), sur l’implication de ces conclusions quant à la classe d’actifs à privilégier (ex : acheter des obligations allemandes, acheter des actions de multinationales américaines), sur l’actif à acheter précisément (ex : acheter des obligations allemandes à 10 ans, acheter Coca-Cola) ; et enfin, être le premier à acheter.

L’investisseur « top-down » est donc confronté à la difficile tâche, qui consisterait à prédire l’imprévisible de manière plus précise et plus rapidement que des milliers d’autres personnes très brillantes. L’approche « bottom-up » est paradoxalement beaucoup plus facile à mettre en œuvre que l’approche « top-down ». Alors qu’un investisseur « top-down » doit faire une série de plusieurs prédictions qui devront s’avérer correctes, un investisseur « bottom-up » n’aura nullement besoin de faire des prévisions. La stratégie pourrait se résumer par « acheter des actifs bradés et attendre ».

Une différence importante entre une approche « bottom-up » et une approche « top-down » est la gestion des espèces. Les investisseurs « bottom-up » conservent des liquidités lorsqu’ils ne sont pas en mesure de trouver des opportunités d’investissement et mettent ces liquidités à contribution lorsque ces opportunités apparaissent.

Aussi, l’investisseur « bottom-up » fait face à des incertitudes moins nombreuses : quelle est la valeur intrinsèque de la société ? Est-ce que cette valeur va perdurer jusqu’à ce que les actionnaires puissent en bénéficier ? Quelle est la probabilité que l’écart entre le prix et la valeur intrinsèque se réduise ? Enfin, compte tenu du prix actuel, quels sont les risques et gains potentiels ?

Les investisseurs « bottom-up » peuvent facilement savoir si la raison initiale de leur achat a disparu. Lorsque la valeur intrinsèque diminue, du fait de dirigeants incompétents ou lorsque le prix a augmenté de sorte à refléter la valeur intrinsèque, un investisseur discipliné pourra réévaluer la situation et vendre sa position. Des sommes considérables ont été perdues par des investisseurs qui ont conservé des actions après que les raisons qui les avaient poussé à l’achat aient disparu. Ce n’est jamais une erreur de changer d’avis, la seule erreur est de changer d’avis et de ne rien faire.

La recherche d’une performance absolue

Les investisseurs qui recherchent une performance absolue sont prêts à conserver des disponibilités lorsqu’aucune opportunité ne se présente à eux. Le caractère liquide des espèces permet une grande flexibilité, puisque cet argent peut être dirigé vers d’autres sources d’investissement pour un coût minimal. Aussi, la détention d’espèces, à la différence des autres classes d’actifs, n’entraîne pas de coût d’opportunité (perte qui serait dû à l’impossibilité de tirer profit des opportunités qui se présenteraient sur le marché) dans la mesure où les espèces ne perdent pas de leur valeur lors des phases de marché baissier.

Conserver un minimum d’espèces ou détenir des actions qui versent régulièrement des dividendes permettra de réduire le nombre d’opportunités manquées.

Risque et retour sur investissement

Alors que la plupart des investisseurs sont préoccupés par le retour sur investissement et non par la perte potentielle, l’investisseur value se focalisent à la fois sur le risque et sur le gain potentiel. Certains investisseurs pensent que le risque et le retour sur investissement sont toujours corrélés ; plus le risque augmente, plus le retour sur investissement sera important. Il s’agit d’un des principes fondamentaux du modèle d’évaluation des actifs financiers enseignés dans la plupart des écoles de commerce, mais qui ne s’avère pas toujours exact. D’autres assimilent à tort le risque à la volatilité, en mettant en avant le « risque » de fluctuation des prix mais en ignorant par ailleurs le risque d’investir dans des entreprises trop chères ou dont les dirigeants ne sont pas à la hauteur.

Un risque plus élevé ne garantit en rien un retour sur investissement plus important. Au contraire, le risque diminue le retour sur investissement en générant des pertes.

La nature du risque et le beta

Le gain ou la perte associés à un investissement ne sont pas uniquement dépendants du business sous-jacent, puisqu’ils dépendent également du prix d’achat déterminé par le marché. L’idée que le risque est dépendant à la fois de la nature de l’investissement et de son prix diffère complétement de la définition du risque que l’on associe au beta.

L’investisseur n’a que quelques solutions pour contrer le risque : être suffisamment diversifié, se couvrir lorsque cela est approprié et investir avec une marge de sécurité. C’est précisément parce qu’il est impossible de connaître tous les risques afférents à un investissement qu’il faut s’efforcer d’investir avec une marge de sécurité qui constituera une garantie si les choses tournent mal.

Beaucoup d’intervenants sur les marchés pense que le risque d’un investissement est intrinsèque à un actif en particulier, comme le serait par exemple certaines activités comme le deltaplane ou l’escalade. Des chercheurs et des professionnels ont cherché à quantifier le risque en le résumant à une seule donnée chiffrée, le beta. Cet indicateur compare la variation historique d’un actif ou d’un portefeuille avec celle du marché. Les actifs avec un béta élevé sont ceux dont le prix va davantage s’apprécier que les autres actifs dans un marché haussier et davantage baisser dans un marché baissier. En raison de leur volatilité plus importante, les actions avec un beta élevé sont jugées plus risquées que les actions avec un faible beta.

Je trouve grotesque qu’un seul chiffre reflétant les variations du prix d’une action par le passé puisse à lui seul définir le niveau de risque d’un investissement. Le beta ne mesure le niveau de risque que du point de vue de l’évolution du prix d’une action sur le marché, sans prendre en compte les fondamentaux de l’entreprise et ses perspectives. Le niveau de prix est également ignoré, comme si des actions IBM à 50$ ne serait pas un investissement moins risqué que les mêmes actions IBM à 100$.

La réalité est que la volatilité des prix dans le passé ne permet pas de prédire de manière fiable la performance future, ni même la volatilité future, et le beta est donc un mauvais indicateur du risque d’un investissement.

L’intérêt de la variation des prix à court terme

Il n’est pas toujours facile pour l’investisseur de distinguer une volatilité ponctuelle liée au jeu de l’offre et de la demande, d’un mouvement plus durable qui refléterait les fondamentaux de l’entreprise. La réponse n’est bien souvent connue qu’après que le mal soit fait. Si les investisseurs doivent évidemment éviter de surpayer leur investissement ou d’acheter des entreprises dont les fondamentaux se détériorent, il est impossible d’éviter la volatilité des marchés à court terme.

La volatilité à court terme n’a pas beaucoup d’importance puisque sur le long terme, la valeur finira par se refléter dans le prix de l’action. L’investisseur pourra tirer parti de la volatilité à court terme pour améliorer son retour sur investissement dans la durée en profitant des baisses ponctuelles des marchés. Il n’y a que quelques cas où la volatilité peut être préjudiciable à l’investisseur, par exemple lorsqu’il doit vendre dans la précipitation et se retrouve à la merci du marché.

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